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À KOLOMEA.

— Arrive, montre-toi ! cria le vieux paysan en amenant au milieu du cercle, malgré sa résistance, la jolie fille qui cachait toute confuse son visage dans les plis de son tablier écarlate. — Que diable as-tu à résister ainsi ? Sache qu’il est question de faire de toi une demoiselle d’honneur. Et, ma foi, on n’aura pas tort. On te choisira si la justice existe sur la terre. » Il se tourna vers le groupe :

« Voyons, que dites-vous de ce minois-là ? Est-ce qu’il vous convient ?

— Parfaitement ! acquiescèrent les moissonneurs. Et l’autre ! et l’autre ! »

Une demi-douzaine de noms partirent comme une fusée. Celui de Basja obtint la majorité. « Basja ! Basja ! » répétait-on à l’envi.

Le vieillard leva la main. « Allez, dit-il, c’est Basja qui l’emporte. Qu’elle arrive. »

Les jeunes gars applaudirent.

Basja, séduisante brunette au nez retroussé, aux yeux pétillants, s’avança la tête haute, l’air narquois.

« À présent, préparez-vous, fit le patriarche. Voici le soleil couché. »

Les filles d’honneur prirent la couronne, la balancèrent un instant sur la tête de Iewa, et l’y laissèrent tomber gracieusement. Iewa la saisit à deux mains et l’assujettit sur sa chevelure ; puis elle resta debout, la guirlande d’or dans ses tresses dénouées, indifférente, froidement belle, la reine des moissons !

Basja et Haudza s’étaient également parées de fleurs. De toutes parts débouchaient des masses de moissonneurs, des paysans venant du village, quelques-uns chargés d’instruments de musique. Ils commencèrent à jouer, accompagnés par les murmures, les cris et les rires de la foule. Le doyen organisa le cortège. À quelque dis-