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LA FÊTE DES MOISSONNEURS.

pouvoir ; à présent encore, elles dirigent tout, bien que le gouvernement ne veuille pas le reconnaître. S’il y avait moins de fonctionnaires, les affaires iraient mieux, aussi bien pour nous que pour l’empire.

— Mon ami, répliquai-je, je suis aussi pour la liberté, mais le jour de son triomphe n’est pas encore arrivé.

— Et pourquoi donc, je vous en conjure ? s’écria le paysan. Premièrement, n’est-ce pas, c’était les dominici qui prélevaient les impôts dus à l’État ; ils se mirent à nous opprimer. Les paysans ne se plaignirent pas, mais ils firent percevoir leurs impôts par le juge du district. En 1827 arrivèrent les officiers du bureau des tailles. Vous comprenez s’ils nous revenaient cher, à nous qui étions habitués à ne rien payer ! Quant aux arrérages, il n’y en avait que fort peu dans le temps où les districts se chargeaient eux-mêmes de recueillir les taxes. Lorsque arrivèrent les nouveaux fonctionnaires, on les compta par millions. Trouvez-moi un oiseau qui vole au sortir de l’œuf. Quand les cigognes veulent apprendre à leurs petits à voler, elles les emportent sur leurs ailes et les lancent bien haut dans le vide. Mais je crois que cela ne plaît pas au gouvernement de nous apprendre à voler. »

Un groupe de femmes et de jeunes gens, d’où était parti un cri rauque, s’était formé près du buisson d’aubépine. Mon vieux compagnon se redressa pour le regarder. Au même instant, un gars aux pieds nus, aux cheveux blonds en désordre, accourut à toutes jambes de notre côté. Dès qu’il nous vit, il commença tout essoufflé : « Grand-père ! grand-père ! les vieilles femmes refusent de couronner Iewa reine des moissons !

— Pourquoi donc ?

— Elles prétendent que Iewa a de mauvaises mœurs.

— Bêtise que tout cela ! De quoi s’occupent ces vieil-