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À KOLOMEA.

polonais, et mes récoltes sont admirables. Voyez-vous là-bas le village de Sieniawa ? On n’y trouve pas une maison qui ne soit en belle et bonne pierre. La chaussée qui y conduit est splendide. Encore nous ne faisons que débuter dans la civilisation, honoré monsieur. Les impôts sont encore un peu difficiles à supporter. Il nous manque un chemin de fer, des routes, des écoles. »

Je regardai le paysan tout surpris. « Mais, fis-je observer, on m’a toujours dit que vous redoutiez les écoles. »

Le vieillard leva les yeux au ciel, croisa ses bras sur sa poitrine et balança ses épaules de droite à gauche, en signe de dénégation. « Hélas ! que ne dit-on pas ? s’écria-t-il Autrefois, sous la domination polonaise, nous refusions de donner notre argent, cela est vrai. Nous n’avions pas besoin de payer des maîtres qui fissent oublier à nos enfants leur langue maternelle.

» Maintenant, nous possédons des écoles russes, et c’est la commune qui bâtit les collèges et les entretient.

» Grand Dieu ! quand je songe à tout ce qu’on invente, à tout ce qu’on écrit sur nous, cela me met hors de moi. Comme pour le chemin de fer ! Que n’étiez-vous ici lorsque la voie de Lemberg a été ouverte ! On prétend que les paysans nomment la locomotive une œuvre infernale. C’est simplement une infâme calomnie.

» À toutes les gares stationnait une foule compacte, avec les gouverneurs de district, et la musique, pour saluer le premier convoi. Il y eut des hommes qui tombèrent à genoux en joignant les mains. Ne croyez pas un mot des mensonges qu’on répand sur notre compte. Allez, bien des réformes s’accompliront encore, bien des changements ! Un peu de patience seulement. Il ne s’agit que d’accorder à nos communes plus de liberté. Autrefois, il y a bien longtemps, c’était elles qui possédaient le