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PINTSCHEW ET MINTSCHEW.

tendant qu’il a besoin de prier pour faire dominer sa colère par sa clémence ? Et, si même sa colère était si forte qu’il ait besoin de la faire vaincre par sa miséricorde, ne comprends-tu pas que Dieu n’a qu’à vouloir pour que cela arrive ? Si tu prétends que l’Éternel a besoin de prières, tu doutes non seulement de sa bonté, mais encore de sa toute-puissance ! »

Pintschew demeura un instant anéanti.

« Allons, n’as-tu rien à objecter ? demanda Mintschew après un instant. Que rapporte encore le Talmud ? »

Pintschew se taisait, la tête basse.

Kauniz Blauweisz, l’aubergiste, sortit en ce moment pour prendre un peu l’air. Il s’arrêta près des deux interlocuteurs qui ne s’aperçurent pas de sa présence.

« Au temps de Moïse, recommença Mintschew, on n’offrait dans le temple que des sacrifices. Aucune prière n’y était prononcée.

Blauweisz dressa les oreilles et se retira dans l’angle de la porte, pour mieux écouter sans être vu. Son visage rouge et replet prit aussitôt une expression de grand intérêt et de curiosité.

« Moïse, dans ses écrits, ne fait nulle part mention de prières publiques, continua Mintschew. Il n’indique ni l’endroit ni l’heure où elles doivent avoir lieu. Le Talmud, qui, dans ses récits, n’omet rien, pas même les faiblesses elles fautes de Moïse, le Talmud n’indique aucun lieu destiné à la prière, soit par Moïse, soit par quelque autre prophète. Et Maïmonides, dans son livre Jad-Hacha Sakak, va jusqu’à dire : « Ni le nombre des prières, ni leur forme, ni l’heure à laquelle elles doivent avoir lieu ne sont prescrits dans la Tharaï. »

Blauweisz secoua deux fois sa grosse tête, en signe d’affirmation.