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À KOLOMEA.

pied, un sifflement aigu passa entre les rochers, et l’on entendit sur la montagne le signal mélancolique et sauvage du trembit[1].

« Tout est perdu ! fit le vieillard.

— Ce sont les brigands, balbutia M. Adam. — Ses genoux s’entre-choquaient avec violence. — Donnez-moi de l’eau-de-vie. »

Silence complet.

« L’eau-de-vie, frère ! » insista le gentilhomme en portant la main derrière lui.

Sa main ne rencontra que du vide. Il se retourna et ne vit personne.

« Ah ! les scélérats ! ils sont partis ! gémit le baron. Nous sommes trahis ! Priez, mon père, priez ! »

Rien n’était plus vrai. Les domestiques avaient pris la fuite l’un après l’autre, et les paysans avaient suivi leur exemple. Nos trois héros se trouvaient seuls au milieu d’une des gorges les plus escarpées de la montagne.

« Si nous chantions quelque chose, proposa le Cosaque.

— Quoi donc ? murmura le père Antoni.

— Chantez toujours, aussi fort que vous pourrez ! »

Et tous trois entonnèrent, n’osant ni avancer ni reculer :

Notre troupe est nombreuse ! Notre troupe est nombreuse !

Soudain, un objet lourd bondit à une petite distance et s’abîma dans le précipice avec un fracas épouvantable. C’étaient des pierres qui se détachaient de la montagne et entraînaient tout sur leur passage.

Nos trois héros n’en demandèrent pas davantage. Sans

  1. Cor gallicien, dont le son se rapproche de celui du cor de chasse.