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MAGASSE LE WATACHEKO.

— Allons, vous admettez cependant, cria M. Adam, que pendant toutes nos campagnes les Cosaques formaient l’avant-garde. C’est à Petienko de nous montrer le chemin.

Le vieillard maugréa, fit le signe de la croix et entra dans le sentier d’un pas rapide, sans se faire trop prier. Derrière lui marchait l’abbé, puis M. Adam. Les domestiques suivaient de près. Le sentier était ardu, crevassé, semé de cailloux, et si étroit que deux hommes ne pouvaient y marcher de front. Il sillonnait les rochers entre une paroi abrupte et un abîme profond où mugissaient les flocons neigeux d’une cataracte. Le ciel se couvrait d’épais nuages. Çà et là quelques étoiles piquaient la brume de leurs flèches d’or. À dix pas de soi on ne distinguait rien du tout.

« Voici l’endroit où les cinq marchands ont été égorgés, dit le vieux Cosaque désignant un crucifix de bois planté dans un bloc de granit. Tous s’arrêtèrent.

— Et c’est là qu’on a jeté leurs cadavres, » ajouta le Cosaque en étendant le bras vers le gouffre noir.

Plus haut, dans quelque caverne, une chouette exhala sa plainte lugubre.

Nos hommes poursuivaient leur ascension, haletants, et avançaient à petits pas. Tout à coup le Cosaque se baissa prestement, comme un jeune soldat esquivant la première balle pendant une bataille. Instinctivement, tous l’imitèrent.

« Qu’est-ce que c’est ? demanda l’abbé à demi-voix.

— Une chauve-souris, » grommela le Cosaque.

La caravane se remit en marche et cette fois gagna du terrain. Elle atteignit un vieil arbre dont le tronc courbé sur la cascade servait de pont d’une rive à l’autre.

Au moment où Petienko se préparait à y mettre le