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À KOLOMEA.

« Bon appétit, madame, cria le perroquet que cet incident avait tiré de son sommeil. Bon appétit !… »

Sur ces entrefaites, M. Adam, à la tête de sa troupe, traversait lentement le village de Jamna et s’engageait dans un chemin creux bordé de saules, qui serpentait juste dans la direction des montagnes Noires. Au sortir du bourg, il fit une rencontre peu faite pour lui donner du courage. L’expédition croisa un paysan qui traînait après lui un cercueil placé sur une petite voiture en osier. À cette vue, le gentilhomme jeta sur ses domestiques un regard morne. Lorsqu’ils atteignirent le pied de la montagne, l’obscurité était complète. Arrivés devant une croix de bois d’où partait un petit chemin conduisant directement aux maisons éparses de Horgna et au nid de hibou de la widma, ils s’arrêtèrent pour délibérer.

« Nous ferions bien de quitter les chevaux, fit le prêtre.

— Mais qui donc restera pour les garder ?

— Moi-même, s’écria obligeamment le Cosaque.

— Non ! non ! choisissons plutôt un des paysans.

— Choisissons un des paysans, répondit Petienko avec un soupir.

— Et maintenant, en avant ! commanda M. Adam d’une voix claire et vibrante. Mais j’oublie… Qui de nous occupera la tête de colonne ?

— Cet honneur vous appartient, monsieur Adam, dit l’abbé, vous êtes notre général.

— Où avez-vous vu qu’on mit le général à la tête de l’armée ? C’est la place des chevau-légers. Aussi, je vous prie…

— Et par quel hasard, monsieur, me classez-vous parmi les chevau-légers ? ajouta le père Antoni visiblement offusqué.