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À KOLOMEA.

« Allez ! vous n’êtes pas un saint homme, vous n’êtes qu’un vil séducteur, un démon ! »

Elle traça un cercle nombreux de croix sur son front et sur sa poitrine.

« Je ne veux pas de votre trésor. Remerciez Dieu de ce que je ne vous livre pas, vous, à Magasse. »

Le jeune abbé sentit un frisson courir sous sa chair.

« Y penses-tu ? Tu serais capable…

— Vous me craignez, je crois, reprit la Houzoule avec un sourire de satisfaction.

— Pourquoi cela, ma colombe, mon ange ? murmura le père Antoni, passant son bras autour de la taille de Wera.

— Pourquoi ? Parce que je suis, quoique femme, d’une force supérieure à la vôtre.

— En vérité, je ne sais si, de nous deux, ce serait moi qui remporterais la victoire.

— Moi, je ne m’en donnerais pas la peine, dit-elle d’un ton calme. Et maintenant, hors d’ici !

— Tu ne nous trahiras pas lorsque tu verras Magasse, dis ? reprit encore le prêtre.

— Est-ce là tout ce vous désirez ? cria Wera fort surprise. Eh bien ! il arrive ce soir. Je vous en avertis afin que vous le sachiez et que vous puissiez l’éviter ; car vous le redoutez tous, vous autres Polaques, comme les assassins redoutent la justice. Oui, il arrive ce soir et ne repartira que demain. Je ne vous le livrerai pas. Je ne suis qu’une pauvre fille, sans parents, sans protections, sans amis ; mais je ne trahis personne, moi ! Et puis, ajouta-t-elle en faisant avec ironie glisser entre ses doigts ses guirlandes de sequins, que me donneriez-vous que je ne puisse obtenir de lui si j’en avais la moin-