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MAGASSE LE WATACHEKO.

parure traditionnelle des femmes des Carpathes, — ornaient sa tête et scintillaient sur son front.

Sa jupe à plis, de drap bleu, tombait de ses hanches sur ses hautes bottes de maroquin rouge. Un corsage de la même teinte, d’où sortait une élégante chemise brodée de fleurs aux couleurs vives, avec des manches bouffantes, serrait la partie inférieure de sa taille. Sa large ceinture pourpre, son keptar[1] de drap blanc, garni de laine jaune, lui donnaient un cachet oriental et fantastique. Des sequins brillaient à ses oreilles, s’enroulaient en lourdes chaînes autour de ses bras et revenaient se mêler à de riches colliers de gros coraux. Elle tenait à la main un bâton de montagne à pomme de plomb. Sur son épaule perchait un immense corbeau qui battait l’air de ses ailes irradiées.

« Que faites-vous chez moi ? demanda-t-elle avec les merveilleuses intonations d’une voix d’alto. Elle brandit son topar, tout irritée. Le corbeau s’envola en croassant et décrivit plusieurs cercles sur la tête de l’abbé ; le lézard et les serpents disparurent épouvantés dans les fissures du granit.

— Allons, répondez !

— Je vous cherche.

— Moi ? »

L’impérieuse amazone le toisa avec un sourire de pitié, posa tranquillement son bâton dans un coin, s’assit au bord du foyer et croisa les bras sur sa poitrine.

« Vous êtes prêtre ? reprit-elle.

— Oui, reprit le père Antoni, qui, en proie à des sensations étranges, se tenait debout devant elle, plus intimidé qu’en présence d’un juge.

  1. Courte jaquette sans manches.