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À KOLOMEA.

« Ils sont de mes amis, dit-elle. — Un sourire éclaira son visage. — Là-bas, en voici un troisième qui s’annonce. »

Un gigantesque matou noir venait en effet de s’asseoir sur le poêle et s’étirait en agitant sa queue touffue. Un grillon fit entendre son cri-cri familier. Le perce-bois en marqua la mesure de son rythme cadencé.

Peu après, un gracieux petit lézard vert doré traversa rapidement la salle, s’établit près des deux serpents et secoua sa jolie tête qu’il exposa avec volupté aux rayons du soleil.

Puis, au bout de quelques minutes d’attente, la curiosité de l’abbé fut vivement excitée par une sorte de froissement comme en produirait une robe de femme. La vieille se redressa, la porte condamnée s’ouvrit avec éclat, et une belle fille se présenta sur le seuil, noyée dans la lumière qui la couronnait comme d’une auréole.

Le père Antoni se leva malgré lui, saisi de respect.

Et réellement cette apparition était aussi imposante que singulière et ravissante.

Une femme géante, mesurant au moins six pieds, aux formes d’une pureté incomparable, se tenait devant lui, mi-craintive, mi-farouche. Une vraie fille des Carpathes — une Houzoule pur sang.

Son visage arrondi offrait des traits énergiques, rudes, mais caractérisés et d’une beauté surprenante. Son teint était de ce brun doré dont Murillo a coloré le visage de ses bergères. Ses épais sourcils sombres se fronçaient avec défi au-dessus de ses grands yeux pleins de feu. Le rouge de ses lèvres lippues rivalisait avec les rubans écarlates entrelacés à profusion dans la lourde masse de sa chevelure. Des coquillages irisés, recueillis dans le fleuve Tylsa, qui longe les montagnes Noires, —