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À KOLOMEA.

représentant des sujets religieux. Un siège curieux, réservé à la vieille femme, était placé dans un angle : c’était un fauteuil sculpté rappelant les trônes des empereurs byzantins, et garni de coussins rouges et fripés. Un bloc de bois dur, destiné à mettre les pieds, figurait une tête grimaçante. Un crâne de cheval, d’un blanc crayeux, à l’aspect sinistre, pendait à une solive.

La vieille prit son rouet, qu’elle avait posé sur la table, indiqua du geste un siège à l’abbé, et s’établit dans son fauteuil. Le jeune homme l’examina un moment sans parler.

Ce n’était certes pas une femme ordinaire. Grande, maigre, le nez pointu, l’œil hardi et intelligent, ses cheveux blancs lui donnaient presque un aspect vénérable. Elle était drapée à l’antique, dans un vêtement gris fort ample, qui retombait en plis autour d’elle.

« Eh bien ! quel conseil attendez-vous de moi, saint homme ? demanda-t-elle en prêtant l’oreille.

— Vous connaissez les secrets de la nature, commença le prêtre ; or on prétend que je suis malade. Je me présente à vous comme tel.

— Vous n’êtes pas malade, repartit la widma d’une voix sèche et impérieuse. Une chose vous manque. Cette chose, vous ne devez pas l’avoir.

— Qu’est-ce donc ?

— Une femme.

— Et vous êtes vraiment une voyante ?

— Pourquoi ne pas dire une sorcière ? cria la vieille d’un ton moqueur. Je connais les effets salutaires de certaines plantes, de certains remèdes ; je connais aussi un peu les hommes, et je possède une pierre qui guérit les morsures des serpents. Voilà toute ma science. Mais ce n’est pas pour l’approfondir que vous êtes venu.