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À KOLOMEA.

quement, soupesant chacune de ses paroles. Elle habite loin, très loin, dans la montagne. Personne n’a connu ses parents. Elle loge chez une widma[1], une vieille recéleuse de secrets, qui exerce la magie, produit des orages, jette des sorts sur le bétail, et qui, de temps en temps, se rend à Kiew[2] à califourchon sur un matou noir.

— Allons donc… sur un matou !

— Pourquoi pas ? Que Dieu me châtie si ce matou n’est pas de la grosseur d’un jeune veau ! Au reste, assurez-vous-en.

— C’est ce que je vais faire aujourd’hui même. Tu m’y conduiras, veux-tu, dis ?

— Dame ! c’est une entreprise un peu hasardeuse.

— Tu n’es qu’un poltron. »

Le front du bonhomme se sillonna de mille petites rides.

« Enfin, puisqu’il le faut ! Et nous allons partir aujourd’hui même ?

« Certainement. »

Dans une des gorges bâillantes des montagnes Noires, quelques chaumières éparses formaient un petit hameau habité par des bergers.

L’une d’elles, accrochée à la partie supérieure d’un rocher, dominait entièrement les autres. Vrai nid de hibou, elle semblait enfoncée dans le granit. On la distinguait à peine au milieu des amas de pierres grises où elle était placée.

Le jeune prêtre venait de s’y arrêter, fort embarrassé de n’y découvrir aucune porte. Il attendit un instant et donna des petits coups secs sur des contrevents de bois

  1. Voyante, sorcière.
  2. Le Brocken des Russes.