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MAGASSE LE WATACHEKO.

— Considérez donc, madame, ces vieux arbres solitaires, tapissés de mousse, continua le gouverneur, ces effets de lumière qu’aucun peintre ne pourrait reproduire exactement. Ici, tout est poésie !

— Vous me rappelez un proverbe espagnol, dit madame Céline : « C’est droit derrière la croix que se tient le diable. » C’est aussi droit derrière cette idylle polonaise que se dresse le paysan insurgé, sa faux à la main, et le bandit armé de sa puschka[1]. »

M. Adam ne prenait aucune part à la conversation. Il restait triste et rêveur.

« Qu’est-ce que tu as ? lui demanda sa femme.

— Peux-tu me faire cette question ! répondit-il. Quand je regarde la vapeur bleuâtre qui s’échappe de ma cigarette, notre désastre me revient à la mémoire, et je me dis : C’est ainsi que fume ma pauvre métairie à cette heure. Malheureux incendie ! Hélas ! j’en suis pour une perte considérable !

— À quoi sert-il de se désoler de circonstances fâcheuses qu’on ne saurait améliorer ? Il est bien plus logique d’en prendre son parti, reprit le prêtre.

— Vous feriez mieux de trouver un moyen d’exterminer ces infâmes bandits, riposta le gentilhomme avec un soupir.

— Rien de plus simple, repartit l’abbé. Il s’agit, avant tout, de s’emparer de leur chef.

— On l’a déjà tenté bien souvent, continua M. Adam.

— Et de quelle manière, avec votre permission ?

— À l’aide de soldats, d’une grande troupe de soldats, répliqua M. Adam avec fatuité.

— Pourquoi pas avec des canons et des vaisseaux ? » s’écria le père Antoni.

  1. Fusil.