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À KOLOMEA.

sembler les vaches qu’on avait sauvées du désastre, et qui menaçaient de s’échapper.

Le seigneur laissa retomber sa bride, croisa les bras sur sa poitrine et embrassa d’un regard sombre ces ruines tièdes et ces lieux dévastés.

À une petite distance, un pieu que les flammes n’avaient pu atteindre était fiché en terre, surmonté d’une grossière pancarte.

Sans parler, le fermier l’indiqua du doigt. La société s’en approcha et la lut.

L’écriteau portait ces mots en gros caractères :

« C’est ici que Magasse le Watacheko a rendu la justice, comme aux anciens temps. »

Le même jour, dans l’après-midi, les seigneurs étaient assis, en compagnie de leur hôte, derrière le château, sous un berceau de lierre, savourant un café noir très fort, en fumant du tabac hongrois introduit par contrebande, et que madame Céline roulait en délicieuses petites cigarettes. Autour d’eux, les massifs étalaient des roses à demi effeuillées, des giroflées dont la verdure était jaunie, et de grands chrysanthèmes étoilés, aux couleurs brillantes.

Par moments, de légères bouffées de vent couraient dans l’immense parc, éparpillant les feuilles mortes qui en jonchaient l’avenue. Le soleil, bas à l’horizon, versait dans la campagne des traînées de pourpre. Sur le toit de chaume brun et défoncé de la grange, une cigogne faisait claquer son bec joyeusement.

« Ravissant ! tout ce qu’on peut rêver de plus enchanteur ! s’écria le père Antoni, laissant errer ses regards sur la contrée.

— N’est-ce pas ? C’est un charmante idylle, murmura la petite baronne.