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MAGASSE LE WATACHEKO.

« Ah ! mon bon monsieur !… quel affreux malheur ! — Qu’est-il arrivé, Michel ? explique-toi !

— Le folvarek[1], mon bienfaiteur, a complètement brûlé dans la nuit.

— Ne me dis pas cela !… »

Et M. Adam, horriblement pâle, demeura immobile comme s’il eût été pétrifié par la stupéfaction et par l’effroi.

La petite femme résolue changea elle-même de couleur.

« Mon Dieu ! mon Dieu ! sanglotait le fermier, je suis un homme perdu. Et dire que tout ceci n’est qu’une vengeance dirigée contre vous, cher maître, à cause de Bossak. C’est Magasse qui a fait le coup.

— Magasse ! cria le seigneur en vidant sa pipe de terre avec violence. Allons-y ! ajouta-t-il.

— Je t’accompagnerai, dit aussitôt madame Kauwigka. Vous êtes des nôtres, n’est-il pas vrai, monsieur Antoni ?

— Moi ! oh certainement !

— Apprête tes chevaux, Petienko ! »

La baronne s’habilla prestement. Ses boucles brunes et flottantes, son costume étroit dessinant ses formes gracieuses, la rendaient deux fois plus charmante. On amena les chevaux. La société se dirigea du côté de la ferme. Cette dernière offrait un aspect sinistre. La longue file des dépendances n’était plus qu’un amas de cendres d’où sortaient une fumée noire et des gerbes d’étincelles. Çà et là, des poutres charbonnées se dressaient. Un chien rôdait parmi les décombres, traînant sa laisse roussie, l’œil hagard, affolé, montrant ses dents. Sous un pommier était assise la fermière. Elle pressait son nouveau-né contre son sein. Les autres enfants s’occupaient à ras-

  1. Métairie.