— Alors, justifie-toi ! dit la baronne.
— Voyons, parle ! ajouta le père Antoni.
— Hier, j’avais le robot pendant la moisson, commença le vieillard, faisant à chacune de ses paroles un effort pour se dégager, et ils ont chargé ma charrette jusqu’à ce qu’il fît nuit ; ils l’ont tellement chargée que le timon s’en est brisé, et, tandis que j’étais à la recherche d’une corde, on m’a volé des gerbes.
— Qui ?
— Je l’ignore.
— C’est toi qui les as volées, haydamak ! cria le baron qui, sur ces entrefaites, s’était rapproché de la croisée. Emparez-vous à l’instant des bœufs qu’il possède, de ses superbes bœufs hongrois !
— Que Dieu me foudroie si j’ai volé ! gémit Hechara. Mon seigneur n’a pas le droit de me prendre mes bœufs.
— De quoi n’ai-je pas le droit ? ricana le seigneur. Je te connais de langue date : tu es un rebelle consommé ! Cours, va te plaindre à la justice. Il y a longtemps que j’y ai donné ton signalement, tu le verras bien. »
Et il le menaça de sa longue pipe.
« Eh bien ! puisque vous pouvez le faire, n’y manquez pas, dit le paysan qui tout à coup devint fort calme.
— Te voilà raisonnable, Hechara, ajouta le domestique, qui lui rendit la liberté.
— Oui, je suis raisonnable, répondit celui-ci d’un air sombre. Mais, je vous en avertis, c’est à Magasse que vous aurez affaire.
— À qui ? à qui ? s’écria l’abbé curieusement.
— Vous avez presque assommé Ivan Bossak à force de coups ; il est allé dans la montagne demander justice à Magasse.
— Que vous disais-je ? N’êtes-vous pas tous de vrais