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MAGASSE LE WATACHEKO.

— Ah ! respira longuement la baronne en se dirigeant à petits pas vers le château.

— Ce que j’en ai ! la vie de mes chevaux, répondit Kwitka souriant et donnant de petites tapes sur l’encolure grêle de ses coursiers.

— Emparez-vous de ses chevaux ! commanda la baronne, qui s’était arrêtée brusquement.

— Pourquoi ?… Mais, balbutia le paysan terrifié.

— Et chassez-le à coups de bâton ! »

Le Cosaque et le palefrenier ramassèrent le kautschuk. Mais Kwitka, plus leste qu’eux, s’était déjà hissé sur le dos d’un de ses chevaux qui partaient ventre à terre.

Le jeune abbé avait assisté à cette scène debout sur l’escalier. Il hocha la tête.

« Qu’on le poursuive ! ordonna madame Kauwigka, qui avait recouvré son sang-froid. Prenez-lui ses chevaux, amenez-les-moi ! »

Lorsqu’elle vit le précepteur sur le perron, elle en monta lestement les degrés.

« Quand on est propriétaire, fit-elle avec un sourire, on est obligé de se fâcher constamment. Une jolie réception que nous vous préparons là ! Venez ! »

Elle prit son bras et le conduisit au réfectoire.

Ils y trouvèrent M. Kauwigki, enveloppé dans une robe de chambre graisseuse, déjeunant tout à son aise, sa chibouque posée à côté de lui.

« Mais, Adam, y penses-tu ?

— Je meurs de faim, chère amie, répliqua le seigneur. Prenez donc place, Votre Honneur. Holà ! Petienko, viens servir M. l’abbé. »

On s’assit. Madame Céline fit les honneurs de la table avec une grâce charmante.

« Et les enfants ?… remarqua Adam.