Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
MAGASSE LE WATACHEKO.

Le seigneur se tordit les mains et secoua la tête avec dépit.

« Voilà un paysan qui pourrait s’y rendre tout de suite, fit observer madame Céline

— Tiens ! c’est vrai, » s’écria le baron rassuré.

Le paysan, qui s’apprêtait à dételer ses chevaux, détourna légèrement la tête et se mit en devoir de dénouer les courroies. C’était un fermier de Jamna, nommé Kwitka. De grandeur moyenne, maigre, musculeux, âgé d’une trentaine d’années, le visage surmonté de cheveux noirs coupés sur le front, les yeux enfoncés, les moustaches longues et tombantes, le menton inculte. Son aspect offrait quelque chose d’étrange et de morose.

« Écoute, Kwitka, lui dit le Cosaque, tu vas partir pour la forêt.

— Qui va partir ?… demanda-t-il timidement.

— Mais, toi !

— Moi ?

— Toi, oui, toi !

— Moi ! jamais !

— Es-tu fou ? cria le Cosaque.

— Que dit-il ? demanda le seigneur.

— Il refuse d’aller à la forêt.

— Il refuse d’aller à la forêt, répéta la petite dame résolue ! Est-il donc possédé du diable ?

— J’ai conduit mon seigneur à Lwow et je l’en ai ramené, objecta humblement Kwitka. Je suis quitte de mon robot[ws 1] pour cette semaine.

— Mais quand je te donne un ordre !… cria la baronne exaspérée.

— Vous enfreignez la loi[1].

  1. Édit publié par l’empereur Joseph II.
  1. Note de wikisource : vient de работа, travail, corvée dûe au seigneur.