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À KOLOMEA.

va être contente ! Lukasch ! dors-tu encore, fainéant ? Ouvre les yeux. Voici la malle de M. l’abbé. »

Lukasch, robuste palefrenier aux cheveux jaunes, tondus ras, aux larges oreilles écartées de la tête, secoua à plusieurs reprises la malle, à droite, à gauche, puis se redressa et se cracha dans les mains.

La baronne parut sur ces entrefaites. C’était une petite Polonaise fluette, au teint olivâtre, fort piquante avec ses cheveux châtains hérissés de papillotes, avec ses mains enfoncées dans sa kasabaïka[1] défraîchie, et le gros cigare qu’elle pressait entre ses lèvres roses. Ses yeux noirs rayonnaient de satisfaction. Elle reçut le gouverneur de ses enfants avec l’exquise politesse particulière à sa race, et s’excusa auprès de lui de la simplicité du logis, qui peut-être le priverait du confort auquel il était habitué.

« Eh bien ! rien de nouveau ? demanda le seigneur, après avoir embrassé sa femme au front. »

Madame Céline Kauwigka haussa les épaules.

« Nos hommes ont signalé cette nuit une lueur rouge, dit le vieux Cosaque.

— Ah ! nous l’avons aussi remarquée ; n’est-il pas vrai, Votre Honneur ? s’écria M. Kauwigki.

— En vérité, répondit le jeune abbé.

— Et les travaux, où en sont-ils ? ajouta le baron.

— Il n’y a plus que le bois à rapporter de la forêt, dit le vieux Cosaque, arrêtant ses regards sur les bottes vernies de l’ecclésiastique.

— Comment !… le bois…

— Nous n’avions pas de chevaux.

— Pas de chevaux ?

— Pas un. »

  1. Jaquette.