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À KOLOMEA.

ne répondent à ses questions que par des mouvements d’oreilles, des coups de queue, ou tout au plus par quelque hennissement. Mintschew a adopté un langage ferme et bref, comme s’il eût été avare de ses paroles, comme si chacune d’elles eût eu à ses yeux une valeur inexprimable. Et c’est non seulement dans sa façon de parler, mais encore dans ses manières qu’il a l’habitude d’être calme. Quand il dit quelque chose, il ne remue pas les lèvres, il ne gesticule ni avec les pieds ni avec les mains.

Ce sont encore ses yeux qui expriment le plus clairement ses pensées, de grands yeux noirs et ardents qui étincellent sous son front bombé, des deux côtés de son grand nez, dont la bosse ressemble à une selle turque, des yeux de braise qui tantôt se fixent rêveusement sur vous, tantôt clignotent avec des éclairs de raillerie, tantôt regardent tristement dans le vague, mais qui, toujours, conservent leur expression aimable et leur flamme bienveillante.

Ils étaient beaux surtout lorsque Mintschew souriait. Et il souriait souvent, le bonhomme. Il avait aussi un geste familier. Il lissait volontiers ses cheveux en arrière. Sa personne ne montrait pas l’humilité habituelle aux gens de sa race. On eût pu le croire fier, s’il eût jamais eu l’air de se tenir pour meilleur que les autres. Cette fierté n’éclatait que dans sa tenue qui donnait à sa taille trapue, quoique bien faite, quelque chose de guerrier. Inutile de dire que Mintschew n’avait jamais porté le colback et qu’il considérait un fusil avec la même terreur que la plupart de ses pieux coreligionnaires.

Tandis qu’ils se disputaient, ou plutôt tandis que Pintschew se démenait et que Minstchew, toujours calme,