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LES AMOURS D’ADAM KOSABRODZKI.

« Tu resteras ici, » dit-il simplement.

Elle approuva de la tête, impassible.

« Nous reprendrons notre route dans une heure, continua-t-il. Nous ne remettrons jamais les pieds dans ce pays. »

Il baisa Kosabrodzki au coude et disparut.

Un moment après, on découvrit qu’une oie et deux poules avaient également disparu. Une heure plus tard, la troupe entière s’était éclipsée, et avec elle un nombre considérable de chevaux, de vaches, de brebis, et même la britschka de M. le pasteur.

Tschingora, cette enfant de la nature, se conduisit, lors de son installation dans la seigneurie, d’une façon plus énigmatique encore que les grandes dames si redoutées de Kosabrodzki. La première chose qu’elle fit, ce fut de grimper sur le toit et de se refuser obstinément à descendre, malgré les flatteries et les menaces dont on l’accabla. Elle passa la nuit sur une meule de foin. La faim la poussa, le soir du second jour, à entrer dans la cuisine. Kosabrodzki vint l’y chercher et la mena de force dans le ravissant et luxueux appartement qui avait été préparé pour elle. Là, elle s’accroupit au pied de son lit, sur un tapis, regardant fixement devant elle. Pendant une heure, Kosabrodzki la conjura de changer de conduite ; elle consentit enfin à lever les yeux sur lui, mais ne lui parla pas.

Deux vieilles caméristes entrèrent et portèrent Tschingora dans son bain. Lorsqu’elle revint, au bout d’une heure, coquettement coiffée, parée de petites mules de velours, d’un grand peignoir de soie rouge feu, de magnifiques boucles d’oreilles, de bracelets et de colliers, et qu’en entrant au salon elle se vit tout entière dans une grande glace, elle sourit, puis elle rougit, s’avança vers Adam et lui baisa la main.