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LES AMOURS D’ADAM KOSABRODZKI.

été échangée entre eux, et agissait vis-à-vis de lui avec un sans-gêne qui à chaque occasion l’embarrassait horriblement. Des visites arrivaient-elles, elle lui remettait les clefs de l’office en le priant de s’occuper de mille petits détails de ménage. Allait-elle au bal, il se voyait obligé de l’accompagner. Bien plus, chaque fois qu’un danseur la ramenait à sa place, elle laissait couler de ses belles épaules potelées sa mante d’hermine sur le bras de Kosabrodzki qui, tout frémissant à ce contact, se blottissait dans un angle ou s’appuyait en tremblant contre les tentures. Oui, en vérité, rien n’émotionnait plus Kosabrodzki que le toucher d’une fourrure tiède et souple. Il croyait la voir palpiter comme un être vivant ; il n’était pas jusqu’au parfum suave resté parfois attaché aux longues soies de l’hermine qui ne lui causât des étourdissements aussi forts que ceux que produit la vapeur âcre et tournoyante d’une lampe magique.

Un soir que tout le monde venait de se retirer, nous étions assis tous les trois dans un petit boudoir bleu que madame Majewska affectionnait particulièrement. Il faisait très-froid dehors. La pluie claquait lugubrement contre les vitres ; le vent hurlait et secouait le feuillage des peupliers plantés autour de la seigneurie, — un vrai temps pour la causerie intime. Le jolie veuve venait de changer de toilette. Elle avait mis ses élégantes mules de fourrure, et sa chaude kasabaïka de velours bleu garnie de martre. Maintenant, elle était assise sur le divan, les mains plongées dans les manches de sa jaquette. Kosabrodzki apprêtait le samovar.

Tout à coup, madame Majewska s’écria :

« Mais, mon cher Adam, qu’avez-vous donc, je vous en conjure ! Vous êtes étrange ce soir.

— Moi ? »