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PINTSCHEW ET MINTSCHEW.

mon. Et voilà que Mintschew se permet de faire des critiques ! Il prétend que les prières publiques ne sont prescrites ni dans la Thora, ni dans le Talmud, qu’elles ont été instituées beaucoup plus tard par les rabbins, et que, par conséquent, un juif intègre ne pèche pas s’il refuse de s’y associer.

Là-dessus éclate une querelle. Cette querelle se prolonge durant le repas, elle se continue dans la salle du bal, puis sur la chaussée.

La manière dont se disputent Pintschew et Mintschew donne une idée parfaite de leurs différents caractères.

Pintschew, le long et maigre Pintschew, dont la face terreuse et criblée de taches de rousseur rappelle l’œuf moucheté de la perdrix, dont le nez ressemble à une éponge fixée au milieu de son visage, et dont les yeux d’un bleu pâle clignotent comme s’ils étaient constamment éblouis par une vive lumière ; Pintschew est doué d’un tempérament aussi irritable que les mèches de ses cheveux qui s’enroulent en anneaux capricieux sur sa tête, et s’allongent le long de ses tempes comme autant de flammes dévorantes.

De son état, Pintschew est couturier pour dames, ce qui ne l’empêche pas de parler comme un général qui harangue ses soldats et n’en attend aucune objection. Si on a le malheur de le contredire, il s’allume, il perfore son adversaire de coups d’œil sinistres, bien qu’il soit parfaitement incapable de tuer une mouche qui s’attacherait à son épaule et se gorgerait de son sang. Quand on l’irrite il gesticule, et les imprécations se pressent sur ses lèvres comme autant d’essaims d’abeilles.

Mintschew, lui, parle peu aux hommes. Il n’a guère affaire qu’à ses chevaux, deux misérables haridelles qui