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RÉCITS GALLICIENS.

buta en me parlant de mes Récits galliciens, qu’elle connaissait. « Lisez-vous toujours des romans ? lui demandai-je. Il me semble que maintenant vous êtes en état de leur servir d’héroïne. »

Elle rit, se cacha la figure dans son éventail, puis se remit à rire. Je vis alors sortir de son magnifique manteau ses bras nus, entourés de splendides bracelets et recouverts de ce léger duvet dont le reflet m’avait tant effrayé jadis. Au moment où je la quittai, le comte *** entra dans sa loge.

Au foyer, je rencontrai une autre connaissance, Benjamin, ou le docteur Rosenthal, comme il aimait à se nommer, bien que la faculté qui devait avoir l’honneur de lui offrir les insignes du doctorat ne soit pas encore fondée. Il fit de mon livre un éloge modéré, puis mit la conversation sur le théâtre. Son extérieur n’avait pas changé. Il portait seulement des lunettes et de fortes moustaches.

Il finit par me confier qu’il était critique de théâtre : il faisait aussi des vers dans le genre de Heine.

« Je viens de parler à votre sœur, lui dis-je. Elle est devenue très-belle et paraît avoir acquis de brillantes relations. »

Il fit un mouvement d’épaules. « Que voulez-vous ? répliqua-t-il. Chacun doit chercher le bonheur, mais tout le monde ne peut pas y arriver par les mêmes moyens. Moi, j’y arrive par mon esprit, et elle… » Il laissa tomber le reste de la phrase ; puis : « Le comte l’épouserait, si elle consentait à se faire baptiser ; mais causer un pareil chagrin à notre vieux père, est-ce possible ? »