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RÉCITS GALLICIENS.

leurs fonctions et non comme un inutile ornement. Ce souvenir s’est tellement incrusté en lui qu’il en a fait la base de ses appréciations, et qu’il lui sert à mesurer le degré d’estime qu’il doit accorder aux choses ou aux gens qui ont conquis ses suffrages.

Il évalue la beauté des femmes au nombre des coups de bâton qu’on recevrait pour elles, et ce chiffre est devenu pour lui une mesure aussi exacte et aussi usuelle que l’unité du système métrique. Tandis que tout autre s’écrierait : Quelle femme ! je voudrais mourir pour elle ! — ou : Je serais capable de l’épouser sur l’heure ! — lui exprime sa passion d’une façon toute plastique en comptant des coups qu’il recevrait en son honneur. Il a taxé à cinq coups de bâton ses sentiments pour la petite juive, à dix son admiration pour la blonde épouse du forestier. Mais lorsqu’il vit pour la première fois la baronne Valeska, il s’écria en tordant sa moustache que, pour chaque heure qu’elle voudrait accorder à son amour, il était prêt à se faire donner cent coups de gourdin, — « aussi vrai, ajouta-t-il, que je suis monsieur le lieutenant, » etc.

Cependant, cette bonne âme d’Holopherne peut à l’occasion se montrer cruelle. J’ignore où, quand et comment la demoiselle de Seiglier, vieille fille de trente-huit ans qui va encore au bal en robe décolletée et se croit suffisamment légère pour danser la polka brillante, a pu l’offenser. Quoi qu’il en soit, il s’approcha d’elle un jour, et l’assura qu’actuellement encore elle était la plus agile des danseuses, que telle était sa réputation parmi les dames italiennes, et que cette opinion était d’ailleurs partagée par le maréchal Radetzky, qui se souvenait d’avoir dansé avec elle quand il n’était encore que cadet.

Un jour, dans une chasse à la perdrix, comme nous