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À KOLOMEA.

— Dans monsieur, reprit Holopherne, il y a « l’effet moral ».

Ce prestige militaire donne en outre à sa galanterie le relief nécessaire, car il est galant comme un Français, galant dans toute la force du terme. Rien ne le rebute, ni la position sociale, ni les opinions religieuses, ni même le physique. Qu’une vachère laide et sale ait peur de passer au milieu de quelques jeunes chevaux trop gais, il lui offre le bras et l’accompagne avec la désinvolture qu’il met le dimanche à offrir à la vieille comtesse l’eau bénite à la sortie de l’église, ou à présenter périodiquement, le soir du sabbat, un bouquet à la jolie juive, la brune fille du distillateur.

On va jusqu’à dire que chaque dimanche, après midi, il réunit les paysans de sa chambre autour d’un flacon de slivowitz, et qu’il leur fait des lectures sur l’art d’être aimable en société, et notamment sur les convenances à observer vis-à-vis du sexe faible. Cependant ce n’est encore là que de la théorie ; mais il ne suit pas les errements de tant de philosophes et de régénérateurs de société, qu’on ne peut jamais juger que sur leurs paroles. Dans la pratique, les exemples qu’il donne sont toujours concluants. Lorsque la ravissante baronne Valeska monte à cheval, il est le premier à lui présenter sa main ouverte pour l’aider à se mettre en selle, si bien que les jeunes messieurs qu’il a devancés en sont réduits à le regarder faire en frisant leurs moustaches. Quand la jeune Catherine aux joues roses va puiser de l’eau à la fontaine, il se trouve toujours là pour lui porter ses seaux, et le grand Peter, qui arrive invariablement trop tard, exprime son dépit en aspirant avec rage la fumée de sa pipe.

Notre héros servait à l’époque où les caporaux portaient encore un bâton attaché à leur sabre, comme signe de