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À KOLOMEA

PINTSCHEW ET MINTSCHEW

RÉCIT JUIF

Des clameurs, où des exclamations de gaieté se mêlent à des éclats de voix irritée, sortent bruyamment de la chaumière enfumée de Markus Jolles, le marchand, et se répercutent au loin, portées par la brise tout imprégnée d’un parfum pénétrant de framboises et de roses. On entend aussi des grincements d’instruments qui ressemblent à des plaintes humaines, et qui tantôt éclatent tous ensemble, tantôt se contrarient aigrement, comme des voix avinées dominant le tapage étourdissant de quelque foire galicienne.

Les accents criards de deux violons se mêlent aux gémissements désespérés d’un juif besoigneux et d’un paysan plus besoigneux encore, qui, pareils à un ange et à un démon qui s’arrachent une âme, se disputent à propos de l’achat d’une vieille paire de bottes et se démènent de telle sorte qu’ils plongent et reparaissent dans la foule comme s’ils étaient assis dans une britschka démantibulée, et s’ils affrontaient dans ce pileux équipage les aspérités d’une de nos chaussées polonaises.