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interpella nos guides avec des gestes de menace. Nous eûmes un instant la fantaisie de tenir bon pour laisser se continuer cette scène grotesque et voir jusqu’à quel degré pourrait aller la bravoure chinoise ; mais il nous fallut laisser la partie, nous étions harassés de fatigue et encore à jeun. Or, ne pouvant compter sur l’hospitalité du pays, nous regagnâmes notre bateau, où nous n’arrivâmes qu’après quatre heures de marche en traversant sur un beau pont de 35 arches, le Chang, grande rivière qui va déboucher dans la baie d’Emoï et dont les eaux, dit-on, donnent au thé un goût délicieux.

« Après cette excursion à moitié manquée, force nous fut de borner nos promenades aux alentours de la ville. Ce fut dans une de ces courses que je visitait une belle pagode élevée sur le tombeau de deux mandarins tartares. L’intérieur du temple est fort remarquable et les jardins qui l’entourent sont remplis de fleurs de toutes espèces.

« Cependant, je voulus profiter avec quelques passagers, avant de quitter Emoï, de visiter une autre grande ville chinoise située à environ 20 milles de distance. Nous partîmes le soir, du bord, sur un grand bateau qu’on nous amena et qui fait assez régulièrement le trajet. C’était une monstrueuse barque, large, grosse et lourde, dont le pont, formé de planches mobiles, recouvrait la cale où l’ont avait renfermé des cochons qui grognaient en désespérés. À partir de l’arrière de la barque, qui avait 50 à 55 pieds de long, le pont était abrité, sur les deux tiers de sa lon-