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de voyage.

stupéfaction, mêles d’un sentiment de dignité outragée. Ouanâ ! semblait signifier nous : « L’étranger dans nos murs ! le sol profané ! la fin du monde ! » Il était visible, au milieu de tout ce brouhaha, que le peuple était effrayé au suprême degré et qu’on ne savait guère comment se débarrasser de nous. En avançant dans les rues, toujours entourés de la populace qui paraissait vouloir nous barrer le chemin, sans se porter toutefois à aucune voie de fait, nous parvînmes jusqu’à un monument dont la porte principale s’ouvrait en arc de triomphe et sous laquelle nous passâmes. Nous nous trouvâmes alors dans une immense cour remplie de verdure de toute espèce. Ce fut là que, sur un de ces étalages en plein vent, je vis pour la première fois, parmi d’autres coquilles, une des plus belles Cythérées des mers de Chine. — Au fond de la cour, toute plantée d’arbres, s’élevait un édifice aux sculptures dragonales et excentriques, dorées magnifiquement avec le luxe de dessins qui distingue les Chinois et leurs chefs-d’œuvre de patience. À notre approche, les portes se fermèrent avec fracas, une grande rumeur se fit au fond de la cour et un homme au long cou gonflé de colère, s’avança vers nous, et l’un de nos domestiques nous fit entendre que nous étions en face du palais du Mandarin, que l’individu au long cou était son intendant. En effet, malgré notre ignorance de la langue, nous comprîmes de suite qu’il s’agissait de nous et que nous étions sommés de nous retirer au plus vite, car l’homme en question, marchait en bondissant de rage et