Page:Sabin Berthelot Journal d un voyageur 1879.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
journal

formé en hôpital à cause de sa situation élevée, car cet hospice domine tous les cloaques de la basse ville ; aussi, y respire-t-on un air plus pur. L’établissement est pourvu d’une pharmacie dirigée par un jeune chinois à la physionomie douce et intelligente, élevé chez un anglais et parlant passablement cette langue. Un vieux gardien, avec sa femme, sert à la fois de concierge et d’infirmier. Le chirurgien du navire de guerre de S.-M.-B., stationné dans le port, vient chaque jour visiter les malades. Il y a dans cet hôpital un joli jardin en terrasse, planté d’acacias, dont les fleurs odorantes servent à faire des gâteaux délicieux, la seule pâtisserie chinoise qui ne soit pas mêlée de lard rance d’un goût si détestable.

« Ce fut à l’hôpital d’Emoï que furent soignés plusieurs de nos compagnons de voyage, et dès qu’ils commencèrent à se rétablir, nous fîmes ensemble une excursion à Tchang-Tcheou, ville considérable et chef-lieu de la province à laquelle elle donne son nom.

Tchang-Tcheou. L’émeute.

« Notre soudaine apparition dans les rues de Tchang-Tcheou produisit une espèce d’émeute. Le cri d’Ouanâ ! se fit entendre autour de nous et fut répété par tous ceux qui nous aperçurent, mais avec des intonations différentes. La population nous poursuivit de ses huées, tandis que chez les vieillards et gens graves le cri de Ouanâ ! prenait dans leur bouche une intonation étrange qu’accompagnait l’expression de leur physionomie. C’était à la fois du mépris, de la