Page:Sabin Berthelot Journal d un voyageur 1879.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
79
de voyage.

rance, trépang desséché, qui présente une affreuse image à l’esprit, œufs verts et infects, poissons hideux sous toutes les formes et à tous degrés de décomposition. On voit aussi des cafés ambulants où les habitants du céleste empire viennent se saturer d’opium jusqu’à ce que tout y passe fortune, maisons, femmes et chemises (en suivant la progression). Mais ce qu’on y voit surtout, ce qui grouille de toute part, ce qui surgit à vos pieds, ce qui s’agite dans la boue comme des animaux immondes dans ces eaux verdâtres qui baignent ces vieilles ruines, ce sont des mendiants hideux étalant effrontément d’horribles plaies béantes et gangréneuses, ou portant en sautoir leur pied desséché, suspendu a une corde. Ils sont là tout un peuple, hommes, femmes et enfants nus où à peine couverts de lambeaux, de nattes, sâles, puants, dévorés de vermine. Non, jamais Callot n’a trouvé de pareils types ; on se croirait au milieu d’un cauchemar, car il y a de ces figures qu’on ne voit qu’en rêve. J’étais abasourdi, j’avais le vertige et seul dans ma chaise, je voyais défiler toutes ces choses étranges comme une fantasmagorie.

« Nous n’avancions plus que lentement et à la file les uns des autres ; la foule s’écartait devant les couleurs nationales que nos coolees portaient au bonnet, et un jeune chinois de 12 à 14 ans, appartenant à M. Kleskouski, marchait en tête en éclaireur, et, tout fier de son emploi, il prodiguait des coups de poings aux retardataires qui se reculaient bien vite avec tous les signes de l’humiliation. Ce n’est pas qu’ils eus-