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« En Angleterre, au contraire, on émigre sans espoir de retour ; on s’expatrie avec l’idée fixe d’aller s’établir ailleurs. L’Anglais qui quitte sa terre natale, réunit autour de lui tout le confortable possible ; c’est une émigration complète et l’application textuelle du proverbe : Ubi bené, ibi patria.

« Les Anglais, il est vrai, ne comprennent pas cette espèce de religion qui nous attache au sol natal, à la chaumière qui nous vit naître, au vieux chêne qui a prêté son ombre à nos premiers jeux et plus tard à nos premières amours. Cette poésie de l’âme entre peu dans leur nature. Nous sommes en France beaucoup trop sensibles, peut-être pour notre époque ; nous n’agissons pas dans l’esprit du siècle ; satisfaits de nous entendre dire que nous sommes la première nation du monde, nous nous occupons peu des progrès des autres peuples et nous nous laissons devancer. »

25 octobre 1851.
Sidney.

« Nous arrivons à Sidney par un temps affreux. Une brume épaisse nous cache la côte ; le vent est d’une violence extrême, mais, peu à peu, l’atmosphère se dégage et nous permet de distinguer assez la terre pour pouvoir nous guider. L’entrée du Port-Jakson a un aspect sauvage : à droite, une grande roche noire comme coupée à pic ; à gauche, une plage de sable et de pierres qui se prolonge vers le sud, et dans le lointain, en face, des montagnes nues et peu élevées. Mais quand on est engagé dans l’intérieur de la profonde rade, de jolis points de vue commen-