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de voyage.

éclairs qui faisaient pâlir la lueur des lampes, de ce déchirement des éléments, la voix du prêtre s’élevaient calme et pleine de foi, remplissant tous les cœurs d’une sainte émotion.

« Le Père Martial nous montra en sortant un immense amas de coraux avec lequel il veut bâtir une église sans autre aide qu’un ancien matelot baleinier qui est venu se fixer auprès de la mission et s’est voué à son service. Ce brave marin va chercher les matériaux en mer à un mille d’Eïa, avec quatre mauvaises planches liées ensemble qui lui servent de radeau. Il a risqué déjà de périr en maintes occasions avec le père Martial, qu’il mène souvent avec lui. Quelquefois la mer est trop grosse et le frêle transport chavire avec sa cargaison. Malgré cela rien ne les rebute et voilà trois ans qu’ils travaillent.

« Enfin, nous quittâmes le bon Père les larmes aux yeux, et le P. Stanislas revint avec nous à Honoloulou. Pendant la route nous fûmes témoins d’une scène touchante : le P. Stanislas, qui avait été absent de l’île depuis deux ans, fut reconnu par tous ces braves kanaks ravis de le revoir. Ce fut une ovation : des poignées de mains, des cris de joie, des mouvements d’enthousiasme. C’était le retour du patriarche au milieu de ses enfants. Le bon Père était tout ému. Voilà les joies du missionnaire ; elles en valent bien d’autres ! — Nous entrâmes à la ville nous entretenant encore de ce que nous venions de voir. Cette excursion m’a laissé de profonds souvenirs que je n’oublierai jamais, car ce sont des souvenirs du cœur.