Page:Sabin Berthelot Journal d un voyageur 1879.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
journal

chent un appui dans le vide ; la moindre émotion, la moindre faiblesse, le moindre vertige peuvent vous trahir ; si l’on tombait, le corps déchiré et meurtri n’arriverait en bas qu’en lambeaux. Nous vîmes cela, mais nous n’eûmes pas envie de tenter l’ascension.

Eïa.

« Lorsque nous arrivâmes au village d’Eïa, un jeune garçon, leste, bien découplé, à la figure souriante et portant encore le costume de ses pères, se chargea de nous conduire à la demeure des missionnaires qu’il appelait minitaré. Dans l’intérieur du pays, les naturels portent encore le maro national, sorte de ceinture assez étroite qui entoure les reins. L’étoffe dont elle se fabrique se fait avec une espèce de mûrier à papier. L’écorce de cet arbre, après plusieurs jours de macération, est battue avec un maillet sur une pierre où elle s’étend. Quand on a la longueur voulue, on fait sécher l’écorce au soleil et voilà l’étoffe tissée. C’est le vêtement en usage dans toute la Polynésie et partout fabriqué de la même manière. Ce sont les femmes qui sont chargées de cet ouvrage. Souvent le maro est bariolé de dessins de diverses couleurs végétales. L’étoffe ainsi fabriquée s’appelle Tapa ; celle des Sandwich est des plus estimées pour sa finesse, mais elle ne peut guère supporter l’eau ; quand elle est mouillée, elle se déchire comme du papier. Celle de Tikopia m’a paru des plus solides ; les habitants de cette île se jettent à la mer tout habillés et l’étoffe n’en est nullement altérée.