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de voyage.

retour en Europe sur un navire qui périt corps et biens.

11 décembre.
De San-Francisco aux Sandwich.

« Nous portons à Honoloulou un bien digne homme, le père Stanislas, missionnaire des Picpus. Il ne compte que quarante ans, mais on lui en donnerait bien soixante-cinq. Il s’en retourne aux Sandwich où il a déjà passé huit années. La bonté la plus touchante est empreinte sur ses traits. Ce saint homme est d’une naïveté de langage et d’une simplicité de mœurs qui enchantent. La mer est son épouvantail. À la moindre bourrasque, il nous demande avec angoisse si nous n’allons pas sombrer ; et pourtant ce même homme, qui redoute tant d’être un peu balloté sur un navire très-solide, a chaviré plusieurs fois en pirogue à plusieurs milles de terre pour aller remplir les devoirs de sa mission. Il nous a montré au Pali (précipice d’Hawaï) les chemins qu’il prenait sur les flancs de cet abime effroyable pour aller évangéliser ses enfants, comme il appelle ses néophytes, et certes, aucun de nous ne s’y serait engagé sans recommander dix fois son âme à Dieu. Lorsqu’il nous raconte avec tant de simplicité et de bonhommie ses courses périlleuses, ses misères, ses joies et ses tribulations, nous avons à la fois envie de rire et de pleurer.

« Nous avons aussi à bord, pour faire contraste à la bonne figure du P. Stanislas, un individu de moralité fort suspecte, qui n’a, dit-il, que les habits qu’on lui voit sur le dos, et quels habits ! Il ferait mieux de se draper dans sa vertu, comme