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de voyage.

« Il y a en moi de cet homme, dit-il, mais pour vivre ainsi il faudrait une femme, femme d’esprit toutefois sans pédanterie, car je déteste les bas-bleus. Je ne veux pas d’éducation à faire, par conséquent point de petite fille la tête remplie de romans, se créant un idéal et prenant un mari pour un héros. Je veux un bonne fille, comprenant le côté prosaïque de la vie, sachant que l’amour et l’eau claire sont fort agréables, mais quand on a avec ça du bon vin et du rôti. L’homme n’est pas fait pour conduire un ménage ; il faut que la femme prenne sur lui une influence relative et qu’elle fasse en sorte que personne ne dise, Madame porte culotte, ce qui rend toujours un mari excessivement ridicule, et c’est aussi fâcheux pour l’un que pour l’autre. »

15 septembre.
En mer.

« Nous avons recoupé la ligne et nous avançons rapidement. Les nuits sont de toute beauté. Oui, voilà bien ces nuits des tropiques si justement vantées. Le soir, sur le pont, quand le calme et le silence commencent à se faire à bord, qu’une jolie brise gonfle les voiles et se joue dans les manœuvres, que le ciel, sans nuages, laisse apercevoir à l’infini ces myriade d’étoiles qui le parsèment comme les fleurs d’une prairie : alors, en face de ce magnifique spectacle, entre me ciel et l’eau, sur mon âme ! on sent en dedans de soi une puissante émotion et quelque chose qui vous élève vers la divinité. »

16 septembre.
En mer.

« Ils me raillent, me plaisantent, parce que le soir, sur la dunette du navire, je ne me mêle pas