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DE CHIMIE AGRICOLE.

le sol de la plaine se trouve ainsi recouvert des matières qui, avant l’orage, occupaient le flanc du coteau.

La terre végétale abandonne ainsi peu à peu le penchant des collines et des montagnes, et la dénudation, qui devient de plus en plus rapide, ne tarde pas à être complète et irrémédiable, si on ne s’y oppose, soit en gazonnant les pentes ou en les reboisant parce que le lacis des racines s’oppose à l’entraînement des particules terreuses, soit en disposant de distance en distance de petits murs qui retiennent le sol en échelons horizontaux.

Une partie notable des matières terreuses est emportée par les eaux jusqu’aux rivières, qui les roulent à la mer. C’est par millions de mètres cubes, qu’il faut compter les masses énormes ainsi jetées chaque année dans la profondeur des mers, et ce sont précisément les éléments les plus ténus, et par suite les plus aptes à la nutrition végétale, qui se trouvent de la sorte soustraits à l’agriculture par le labeur incessant des eaux. D’après Hervé-Mangon, la Durance seule emporte ainsi annuellement 11 millions de mètres cubes de limon, contenant 14,000 tonnes d’azote dans un état nutritif excellent pour les récoltes. Cet exemple suffit pour démontrer combien il serait désirable de s’opposer à cette perte naturelle, ou tout au moins d’utiliser autant que possible ces limons pour le colmatage des terres riveraines[1].

Des phénomènes analogues, mais d’une puissance gigantesque, ont eu lieu jadis aux périodes géologiques antérieures : d’immenses volumes d’eau, se précipitant du haut des montagnes vers les mers, ont recouvert certaines régions des continents d’une couche épaisse de débris arrachés aux flancs des rochers. Ces dépôts diluviens, dont la puissance est parfois très grande

  1. Voir plus loin le tableau de la richesse des divers limons.