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Saint-Am-and a dit qu’on le trompait, qu’on voulait tout prendre sur lui, et qu’il ne donnerait plus rien du tout, ayant donné les quinze mille francs du bien de sa fille (qu’il a payés à Paris en fonds, et dont il a les terres qu’on lui a données et délaissées ici), et que c’était à M. le marquis à chercher son secours de ce côté-là. Vous jugez bien que quand ce côté-là a payé, cela peut jeter quelques petits chagrins ; mais cela s’est passé. M. de Saint-Amand a songé, en lui-même, qu’il ne lui serait pas bon d’être brouillé avec ma fille. Ainsi il est venu ici, plus doux qu’un mouton, ne demandant qu’à plaire et à ramener sa fille à Paris ; ce qu’il a fait, quoiqu’en bonne justice elle dût nous attendre : mais l’avantage d’être logée, avec son mari, dans cette belle maison de M. de Saint-Amand, d’y être bien meublée, bien nourrie pour rien, a fait consentir sans balancer à la laisser aller jouir de tous ces avantages ; mais ce n’a pas été sans larmes que nous l’avons vue partir ; car elle est fort aimable, et elle était si fondue en pleurs en nous disant adieu, qu’il ne semblait pas que ce fût elle qui partît, pour aller commencer une vie agréable, au milieu de l’abondance. Elle avait pris beaucoup de goût à notre société. Elle partit le premier de ce mois avec son père.

Croyez, mon fils, qu’aucun Grignan n’a dessein de vous faire des finesses, que vous êtes aimé de tous, et que si cette bagatelle avait été une chose curieuse, on aurait été persuadé que vous y auriez pris bien de l’intérêt, comme vous avez toujours fait.

M. de Grignan est encore à Marseille ; nous l’attendons bientôt, caria mer est libre ; et l’amiral Russel, qu’on ne voit plus, lui donnera la liberté de venir ici.

Je ferai chercher les deux petits écrits dont vous me parlez. Je me fie fort à votre goût. Pour ces lettres à M. de la Trappe, ce sont des livres qu’on ne saurait envoyer, quoique manuscrits. Je vous les ferai lire à Paris, où j’espère toujours vous voir : car je sens mille fois plus l’amitié que j’ai pour vous, que vous ne sentez celle que vous avez pour moi. C’est l’ordre, et je ne m’en plains pas.

Voilà une lettre de madame de Chaulnes, que je vous envoie entière, par confiance en votre sagesse. Vous vous justifierez des choses où vous savez bien ce qu’il faut répondre, et vous ne ferez point d’attention à celles qui vous pourraient tacher. Pour moi, j’ai dit ce que j’avais à dire, mais en attendant que vous me répondissiez vous-même sur ce que je ne savais pas ; et j’ai ajouté que