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exposé, quanti on est loin, à écrire d’étranges sottises ; elles le deviennent en arrivant mal à propos : on est triste, on est occupé, on est en peine ; une lettre de Bretagne se présente, toute libre, toute gaillarde, chargée de mille détails inutiles ; j’en suis honteuse : mais je vous l’ai dit cent fois, ce sont les contre-temps de l’éloignement.

Je vous ai mandé comme je ne suis plus du tout fâchée contre M. et madame de Chaumes. Il est certain, et mes amies me l’ont mandé, qu’il ne pouvait parler des affaires de Bretagne, sans prendre fort mal son temps. Il recommanda mon fils à M. de Lavardin, croyant qu’il aurait la même envie que lui de nous servir, et cela était vrai. Il a depuis écrit à M. le maréchal d’Estrées ; et cette lettre ferait son effet, si le roi n’avait dit tout haut à tous les prétendants à cette députation, qu’il y avait longtemps qu’il était engagé : madame de la Fayette me le mande, sans me dire à qui ; on le saura bientôt. Elle m’ajoute que M. de Croissi a nommé mon fils au roi, qui ne marqua nulle répugnance à cette proposition ; mais que le même jour Sa Majesté se déclara ; et voilà ce qu’attendait le maréchal, qui se soucie fort peu que le gouverneur de Bretagne perde ce beau droit, pourvu qu’il fasse sa cour. Madame de la Fayette lui a rendu tous ses engagements, et l’affaire finit ainsi. Mon fils est à Rennes, agréable au maréchal, qu’il connaît fort, et qu’il a vu cent fois chez la marquise d’Uxelles, contestant hardiment Rouville ; il joue tous les soirs avec lui au trictrac : il attend M. de la Trémouille, afin de rendre tous ses devoirs, et puis revenir ici avec sa femme ; c’est le plus’honnête parti qu’il puisse prendre. Je suis encore seule, je ne m’en trouve point mal ; j’aurai demain cette femme de Vitré ; elle avait des affaires.

Il faut que je vous conte que madame de la Fayette m’écrit, du ton d' un arrêt du conseil d’en haut, de sa part premièrement, puis de celle de madame de Chaulnes et de madame de Lavardin, me menaçant de ne me plus aimer, si je refuse de retourner tout à l’heure à Paris, et me disant que je serai malade ici, que je mourrai, que mon esprit baissera ; qu’enfin point de raisonnements, il faut venir, et qu’elle ne lira seulement pas mes méchantes raisons. Ma fille, cela est d’une vivacité et d’une amitié qui m’a fait plaisir, et puis elle continue ; voici les moyens : j’irai à Malicorne avec l’équipage de mon fils ; madame de Chaulnes y fait trouver celui de M. le duc de Chaulnes : j’arriverai à Paris, je logerai chez cette duchesse ; je n’achèterai deux chevaux que ce printemps ; et voici le beau : je trouverai mille éeus