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de guerre : hé, mon Dieu ! ils n’ont qu’à prendre patience, et à jouir de la belle place où Dieu les a mis ; personne ne doute de leur courage : à quel propos faire les aventuriers et les chevaux échappés ? Leurs cousins de Condé n’ont pas manqué d’occasions de se signaler, ils n’en manqueraient pas aussi. Et con questo je finis, ma très-aimable et très-chère bonne, toute pleine de tendresse pour vous, dévorant par avance le mois de septembre où nous touchons.


252. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 17 juin 1685.

Que je suis aise que vous soyez à Livry, ma très-chère bonne, et que vous y ayez un esprit débarrassé de toutes les pensées de Paris ! Quelle joie de pouvoir chanter ma chanson, quand ce ne serait que pour huit ou dix jours ! Vous nous dites mille douceurs, ma bonne, sur les souvenirs tendres et trop aimables que vous avez du bon abbé et de votre pauvre maman ; je ne sais où vous pouvez trouver si précisément tout ce qu’il faut penser et dire ; c’est en vérité dans votre cœur, c’est lui qui ne manque jamais ; et quoi que vous ayez voulu dire autrefois à la louange de l’esprit qui le veut contrefaire, l’esprit manque, il se trompe, il bronche à tout moment ; ses allures ne sont point égales, et les gens éclairés par leur cœur n’y sauraient être trompés. Vive donc ce qui vient de ce lieu, et, entre tous les autres, vive ce qui vient si naturellement de chez vous !

Vous me charmez en me renouvelant les idées de Livry ; Livry et vous, en vérité, c’est trop ; et je ne tiendrais pas contre l’envie d’y retourner, si je ne me trouvais toute disposée pour y retourner avec vous à ce bienheureux mois de septembre ; peut-être n’y retournerez-vous pas plus tôt. Vous savez ce que c’est que Paris, les affaires et les infinités de contre-temps qui vous empêchent d’aller à Livry. Enfin me revoilà dans le train d’espérer de vous y voir : mais, bon Dieu ! que me dites- vous, ma chère bonne ? le cœur m’en a battu : quoi ! ce n’est que depuis la résolution de mademoiselle de Grignan de ne s’expliquer qu’au mois de septembre que vous êtes assurée de m’attendre ! Comment ! vous me trompiez donc, et il aurait pu être possible qu’en retournant à Paris dans deux mois, je ne vous eusse plus trouvée ! Cette pensée me fait transir, et me paraît contre la foi : effacez-la-moi, je vous en conjure, elle me blesse, tout impossible que je la voie présentement : mais ne