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selon qu’elles ont plus ou moins de rapport à vous : vous me donnez même l’attention que j’ai aux nouvelles. Je vous trouve bien dorlotée, bien mitonnée, ma chère enfant ; vous n’êtes point dans le tourbillon, je suis en repos pour votre repos ; mais je n’y suis pas pour cette chaleur et cette pesanteur, et cette douleur sans bise, sans fatigue. Je voudrais bien un peu plus d’éclaircissement sur un point si important : tant de soins qu’on a de vous ne sont pas sans raison, ni paf pure précaution. Je souhaite que vous soyez changée sur l’écriture, et que ce soit sincèrement que vous ne vouliez plus vous tuer avec votre écritoire ; confirmez-moi cette bonne opinion de vous, et en nul cas ne m’écrivez de grandes lettres, vous m’en écrivez assez, et trop. Montgobert s’en acquitte très-bien, et, comme je vous ai dit, elle peut même vous soulager de dicter. Je voudrais qu’elle mêlât un mot du sien sur le sujet de votre santé. En vérité, je ne me souviens plus du petit de Gonor ; je vous laisse le soin, et à votre frère, de ces anciennes dates. Sans la présence de Mademoiselle, j’aurais renoncé mademoiselle d’Épernon ; je dis ce jour-là, et toujours, ces sottises que vous appelez jolies, et tout ce qu’on peut faire pour les adoucir ; vous voulez tirer de ce rang le compliment que je fis à madame de Richelieu, je le veux bien, car il ressemble à ce que lui aurait dit M. de Grignan : j’y pensai : voilà justement de ces choses qui lui viennent quand il parle et quand il écrit ; c’est ce qui fait que ses lettres font toujours, deux mois durant, l’ornement de toutes les poches. Madame de Coulanges avait encore hier la sienne, et la montre : cela n’est-il pas plaisant ? Au reste, ma très-chère, ne comptez point tant que vous soyez où vous devez être, que vous ne comptiez encore que vous devez être quelquefois ici ; c’est votre pays et celui de M. de Grignan ; et je vivrais bien tristement, si je n’espérais vous y revoir cette année. M. de Rennes[1] vous garde votre appartement, et nous donnera pourtant tout le temps d’y faire travailler. Vous ne m’avez aucune obligation de cette société, ce n’en est point une, c’est un homme admirable, il ne pèse rien non plus que ses gens, sa conversation est légère ; on le voit peu ; il trotte assez, et ne hait pas d’être dans sa chambre ; on le souhaite ; il ne ressemble pas à feu M. du Mans : enfin, il est tel que si on souhaitait quelqu’un qui ne fût pas vous, ce serait un autre

  1. L’évêque de Rennes (Jean-Baptiste de Beaumanoir) occupait dans ce temps-là l’appartement de madame de Grignan à l’hôtel de Carnavalet.