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Buri[1], qui est à cinquante lieues d’ici, tombe dans l’esprit de madame Colbert ; elle l’a vue autrefois, elle en parle à M. de Lavardin son neveu, elle en parle au roi ; on trouve qu’elle est tout comme il faut ; on mande qu’elle aura six mille francs d’appointements, qu’elle entrera dans le carrosse de la reine. On fait écrire le père Bourdaloue, qui est son confesseur ; car elle n’est pas Janséniste comme madame de Vibraye ; c’est avec ce mot qu’on a supprimé celle-ci, quoiqu’elle soit sous la direction de Saint-Sulpice, qui est, pour la doctrine, comme celle des jésuites. Enfin le courrier part, et on l’attend demain. Madame de Lavardin fait présent à madame de Buri d’une robe noire, d’une jupe, d’un mouchoir de point avec les manchettes, tout cela prêt à mettre. La Senneterre a eu beau tortiller autour du Bourdaloue ; point de nouvelles. Vous êtes étonnée que la presse soit si grande, vous n’êtes pas la seule ; mais la rage est d’être là in ogni modo. Voilà donc une amie de M. le coadjuteur encore placée : c’est un moulin à paroles, comme vous savez ; elle parle Buri, c’est une langue ; mais au moins elle ne s’en est pas servie pour être à cette place. Celle de la maréchale de Clérembault est fort extraordinaire ; elle est protégée par Madame, qui voudrait bien en faire une dame de la reine. Elle va à la cour, comme si de rien n’était ; il ne semble pas qu’elle se souvienne d’avoir été et de n’être plus gouvernante[2],

Et trouve le chagrin que Monsieur lui prescrit
Trop digne de mépris pour y prêter l’esprit.

Vous rajusterez ces vers : mais quand ils se trouvent en courant au bout de ma plume, il faut qu’ils passent. Montgobert me parle d’un bal, où je vois danser fort joliment mon petit marquis. Pauline a-t-elle la même inclination pour la danse que sa sœur d’ Adhémar ? Il ne faudrait plus que cet agrément pour la rendre trop aimable : ah ! ma fille, divertissez-vous de cette jolie enfant ; ne la mettez point en lieu d’être gâtée ; j’ai une extrême envie de la voir.

Je m’en vais vous dire une chose plaisante, dont Corbinelli est témoin : je lui dis lundi matin que j’avais songé toute la nuit d’une madame de Rus ; que je ne comprenais pas d’où me revenait cette

  1. Anne-Marie d’Urre d’Aiguebonne, veuve de François de Rostaing, comte de Buri.
  2. Madame dit dans ses lettres que cette dame ne lui fut ôtée que parce qu’elle l’aimait ; que c’était un tour de la maréchale de Grancey, dont la fille cadette était aimée du chevalier de Lorraine, favori lui-même de Monsieur.