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ticulières qu’il a eues pour lui, sans faire nulle attention à la ruine de la province, qu’il a apportée agréablement avec lui : ce style est d’un bon goût à des gens pleins, de leur côté, du mauvais état de leurs affaires. Il dit que Sa Majesté est contente de la Bretagne et de son présent, qu’elle a oublié le passé, et que c’est par confiance qu’elle envoie ici huit mille hommes ; comme on envoie un équipage chez soi quand on n’en a que faire. Pour M. de Rohan, il a des manières toutes différentes, et qui ont plus de l’air d’un bon compatriote. Voilà nos chiennes de nouvelles ; j’ai envie de savoir des vôtres, et ce qui sera arrivé de votre procureur du pays. Vous ne devez pas douter que les Janson n’aient écrit de grandes plaintes à M. de Pomponne ; je crois que vous n’aurez pas oublié d’écrire aussi, et à madame de Vins qui s’était mêlée d’écrire pour Saint-Andiol. C’est d’Hacqueville qui doit vous servir et vous instruire de ce côté-là. Je vous suis inutile à tout, in questa remota parte : c’est un de mes plus grands chagrins : si jamais je me puis revoir à portée de vous être bonne à quelque chose, vous verrez comme je récompenserai le temps perdu. Adieu, ma très-chère et très-aimée, je vous souhaite une parfaite santé ; c’est le vrai moyen de conserver la mienne, que vous aimez tant : elle est très-bonne. Je vous embrasse très-tendrement, et vous dirais combien mon fils est aimable et divertissant : mais le voilà, il ne faut pas le gâter.


151. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 29 décembre 1675.

Je vous remercie., ma fille, de conserver quelque souvenir del paterno nido. Hélas ! notre château en Espagne serait de vous y voir ; quelle joie ! et pourquoi serait-il impossible de vous revoir dans ces belles allées ? Que dites-vous du mariage de la Mothe[1] ? La beauté, la jeunesse, la conduite, font-elles quelque chose pour bien établir les demoiselles ? Ah, Providence ! il en faut revenir là. Madame de Puisieux[2] est ressuscitée mais n’est-ce pas mourir deux fois, bien près l’une de l’autre ? car elle a quatre-vingts ans. Madame de Coulanges m’apprend la bonne compagnie de notre quartier ; mais cela ne me presse point d’y retourner plus tôt que je n’ai résolu : je ne m’y sens attirée que par des affaires ; car pour des plaisirs, je n’en espère point, et l’hiver n’est point en ce pays-ci

  1. Anne-Lucie de la Mothe-Houdancourt, nièce du maréchal de ce nom.
  2. Charlotte d’Estampes-Valençai mourut le 3 septembre 1677.