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biens, je crois que c’est à elle que nous devons le retour du roi : il sera ici dimanche ; je vous manderai mercredi tout ce qui se peut mander. M. de la Trousse mène un détachement de six mille hommes au maréchal de Créqui, pour aller joindre M. de Turenne ; la Fare et les autres demeurent avec les gendarmes-Dauphin dans l’armée de M. le Prince. Voici les darnes qui attendent leurs maris, au pr oral a de leur impatience. L’autre jour Madame et madame de Monaco prirent d’Hacqueville à l’hôtel de Gramont, pour s’en aller courir les rues incognito, et se promener aux Tuileries : comme Madame n’est point sur le pied d’être galante, elle se joue parfaitement bien de sa dignité. On attend à toute heure madame de Toscane ; c’est encore des biens de la châsse de sainte Geneviève. Je vis hier une de vos lettres entre les mains de l’abbé de Pontcarré ; c’est la plus divine lettre du monde, il n’y a jrien qui ne pique et qui ne soit salé ; il en a envoyé une copie à l’Éminence, car l’original est gardé comme la châsse. Adieu, ma très-chère et très-parfaitement aimée ; vous êtes si vraie, que je ne rabats rien sur tout ce que vous me dites de votre tendresse ; vous pouvez juger si j’en suis touchée.


129. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 24 juillet 1675.

Il fait bien chaud aujourd’hui, ma très-chère belle ; et, au lieu de m’inquiéter dans mon lit, la fantaisie m’a pris de me lever, quoiqu’il ne soit que cinq heures du matin, pour causer un peu avec vous.

Le roi arriva dimanche matin à Versailles ; la reine, madame de Montespan et toutes les dames étaient allées dès le samedi reprendre tous leurs appartements ordinaires : un moment après être arrivé, le roi alla faire ses visites ; la seule différence, c’est qu’on joue dans ces grands appartements que vous connaissez. J’en saurai davantage ce soir avant que de fermer ma lettre : ce qui fait que je suis si mal instruite de Versailles, c’est que je revins hier au soir de Pomponne, où madame de Pomponne nous avait engagés d’aller, d’Hacqueville et moi, avec tant d’empressement, que nous n’avons pu ni voulu y manquer. M. de Pomponne, en vérité, futaise denous voir : vous avez été célébrée, dans ce peu de temps, avec toute l’estime et l’amitié imaginables : nous avons fort causé ; une de nos folies a été de souhaiter de découvrir tous les dessousde cartes de toutes les choses que nous croyons voir et que nous ne voyons point, tout