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encore embrassé M. d’Andilly en passant. Je crois que je dînerai demain chez M. de Pomponne ; ce ne sera pas sans parler de son père et de ma fille : voilà deux chapitres qui nous tiennent au cœur. J’attends tous les jours mon fils ; il m’écrit des tendresses infinies ; il est parti plus tôt, et revient plus tard que les autres ; nous croyons que cela roule sur une amitié qu’il a à Sézanne ; mais comme ce n’est pas pour épouser, je n’en suis point inquiète.

Il est vrai que l’on a attaqué M. de Villars et ses gens en revenant d’Espagne : c’étaient les gens de l’ambassadeur (d’Espagne) qui revenait de France. C’est un assez ridicule combat ; les maîtres s’exposèrent, on tirait de tous côtés ; il y a eu quelques valets de tués. On n’a point fait de compliments à madame de Villars ; elle a son mari, elle est contente. M. de Luxembourg est ici ; on parle fort de la paix, c’est-à-dire selon les désirs de la France, plus que sur la disposition des affaires ; cependant on la peut vouloir de telle sorte qu’elle se ferait.

J’espère, ma fille, que vous serez plus contente et plus décidée, quand vous aurez votre congé. On ne doute point ici que votre retour n’y soit très-bon : si vous n’étiez bien en ce pays, vous vous en sentiriez bientôt en Provence : se me miras, me miran[1] ; rien ne peut être mieux dit, il en faut revenir là. M. et madame de Coulanges, la Sanzei et le Bien bon vous souhaitent avec impatience, et veulent tous, comme moi, que vous ameniez le coadjuteur, qui vous fortifiera considérablement. J’ai fort entretenu la Garde ; vous ne sauriez trop estimer ses conseils : il parlait l’autre jour à Gordes de vos affaires : il les sait, et les range, et les dit en perfection ; il donne un tour admirable à tout ce qu’il faut dire à Sa Majesté : vous ne pouvez consulter personne qui connaisse mieux ce pays-ci que lui.

On est toujours charmé de mademoiselle de Blois et du prince de Conti. D’Hacqueville vous parlera des nouvelles de l’Europe, et comme l’Angleterre est présentement la grande affaire. C’est M. le duc du Maine[2] qui a les Suisses ; ce n’est plus M. le comte du Vexin, lequel, en récompense, a l’abbaye de Saint-Germain des Prés.

  1. Si tu me regardes, on me regardera. Celte devise était celle qui avait pour corps un cadran solaire, et faisait allusion au soleil, emblème adopté par le roi.
  2. Louis-Auguste de Bourbon, fils du roi et de madame de Montespan.