Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée

die sinnalzi. Il en est revenu là ; c’est sa vraie devise. Adieu, je ne vous en dirai pas davantage aujourd’hui ; je m’en vais à la Sainte-Baume ; je m’en vais dans un lieu où je penserai à vous sans cesse, et peut-être trop tendrement. Il est bien difficile que je revoie ce jardin, ces allées, ce petit pont, cette avenue, cette prairie, ce moulin, cette petite vue, cette forêt, sans penser à ma très-chère enfant.

Le petit Daquin est premier médecin. La faveur l’a pu faire autant que le mérite[1].


97. — DE Mme DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY.

À Paris, ce 24 avril 1672.

Savez-vous bien que je reçus hier seulement votre lettre du 19 mars, par cet honnête marchand qui fait crédit, et qui ne presse pas trop ? Plût à Dieu qu’il s’en trouvât ici présentement d’aussi bonne composition ! ils sont devenus chagrins depuis quelque temps. Chacun sait si je ne dis pas vrai. On est au désespoir, on n’a pas un sou, on ne trouve rien à emprunter, les fermiers ne payent point, on n’ose faire de la fausse monnaie, on ne voudrait pas se donner au diable, et cependant tout le monde s’en va à l’armée avec un équipage. De vous dire comment cela se fait, il n’est pas aisé. Le miracle des cinq pains n’est pas plus incompréhensible. Mais revenons à votre marchand (j’admire où m’a transportée la chaleur du discours) ; je vous assure que je lui rendrai tout le service que je pourrai. Vous avez dû croire que je ne faisais réponse qu’à Sainte-Marie, par la longueur du temps que vous avez été à recevoir celle-ci ; mais ce n’est pas ma faute. Je vous trouve fort heureux dans votre malheur, de ne point aller à la guerre. Je serais fâchée que depuis longtemps vous n’eussiez obtenu d’autre grâce que celle d’y aller. C’est assez que le roi sache vos bonnes intentions. Quand il aura besoin de vous, il saura bien où vous prendre ; et comme il n’oublie rien, il n’aura peut-être pas oublié ce que vous valez. En attendant, jouissez du plaisir d’être présentement le seul homme de votre volée qui puisse se vanter d’avoir du pain.

Je ne sais si je ne vous ai pas parlé de quelques-unes de vos lettres au roi, mais je les admire toujours. J’ai vu au collège de Clermont un jeune gentilhomme[2] qui paraît fort digne d’être votre fils.

  1. Vers du Cid.
  2. Fils aîné de Bussy mais du second lit.