d’être amoureux, ce ne sera plus la même chose. Vive donc notre vieil ami Corneille ! Pardonnons -lui de méchants vers en faveur des divines et sublimes beautés qui nous transportent : ce sont des traits de maître qui sont inimitables. Despréaux en dit encore plus que moi ; et, en un mot, c’est le bon goût, tenez-vous-y.
Voici un bon mot de madame Cornuel, qui a fort réjoui le parterre : M. Tambonneau le fils[1] a quitté la robe, et a mis une sangle autour de son ventre et de son derrière ; avec ce bel air, il veut aller servir sur la mer : je ne sais ce que lui a fait la terre. On disait donc à madame Cornuel qu’il s’en allait à la mer : « Hélas ! dit-elle, est-ce qu’il a été mordu d’un chien enragé ? » Cela fut dit sans malice, c’est ce qui a fait rire extrêmement.
Je ne saurais vous plaindre de n’avoir point de beurre en Provence, puisque vous avez de l’huile admirable et d’excellent poisson. Ah ! ma fille, que je comprends bien ce que peuvent faire et penser des gens comme vous, au milieu de vos Provençaux ! Je les trouverai comme vous, et je vous plaindrai toute ma vie de passer avec eux de si belles années de la vôtre. Je suis si peu désireuse de briller dans votre cour de Provence, et j’en juge si bien parcelle de Bretagne, que par la même raison qu’au bout de trois jours, à Vitré, je ne respirais que les Rochers, je vous jure devant Dieu que l’objet de mes désirs, c’est de passer l’été à Grignan avec vous : voilà où je vise, et rien au delà. Mon vin de Saint-Laurent est chez Adhémar, je l’aurai demain matin ; il y a longtemps que je vous en ai remercié in petto ; cela est bien obligeant. M. de Laon aime bien cette manière d’être cardinal. On assure que l’autre jour M. de Montausier, parlant à M. le Dauphin de la dignité des cardinaux, lui dit que cela dépendait du pape, et que s’il voulait faire cardinal un palefrenier, il le pourrait. Là-dessus le cardinal de Bonzi arrive ; M. le Dauphin lui dit : « Monsieur, est-il vrai que « si le pape voulait, il ferait cardinal un palefrenier ? » M. de Bonzi fut surpris ; et, devinant l’affaire, il lui répondit : « Il est vrai, « monsieur, que le pape choisit qui il lui plaît, mais nous n’avons « pas vu jusqu’ici qu’il ait pris des cardinaux dans son écurie. » C’est le cardinal de Bouillon qui m’a conté ce détail. Écrivez un peu à notre cardinal, il vous aime : le faubourg[2]