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des plus grandes affaires. Vous avez accommodé les différends infinis de M. de Monaco avec un monsieur dont j’ai oublié le nom : vous avez un sens si net et si fort au-dessus des autres, qu’on laisse le soin de parler de votre personne pour louer votre esprit : voilà ce qu’on dit de vous ici. Si vous trouvez quelque prince Alamir, vous avez du fonds de reste pour faire le premier tome du roman, sans qu’on ose en parler. Je n’ai pas voulu faire ce tort à la Provence, de vous cacher la manière dont vous y êtes honorée, et dont on y parle de vous Je voudrais savoir si vous êtes entièrement insensible à tous les honneurs qu’on vous fait : pour moi, je vous avoue grossièrement qu’ils ne me déplairaient pas ; mais je ferais l’impossible pour tacher de revenir quelque temps me dépouiller de ma splendeur ; ce qui vous en reste ici est trop bon pour être négligé. Madame des Pennes[1] a été aimable comme un ange ; mademoiselle de Scudéri l’adorait : c’était la princesse Cléobuline ; elle avait un prince Trasibule en ce temps-là ; c’est la plus jolie histoire de Cyrus[2]. Si vous étiez encore à Marseille, je vous prierais de bien faire des compliments pour moi à M. le général des galères[3] ; mais vous n’y êtes plus. Je m’en irai donc lundi : il me semble que vous voulez savoir mon équipage, afin de me voir passer comme j’ai vu passer M. Busche. Je vais à deux calèches, j’ai sept chevaux de carrosse, un cheval de bat qui porte mon lit, et trois ou quatre hommes à cheval : je serai dans ma calèche, tirée pur mes deux beaux chevaux ; l’abbé sera quelquefois avec moi. Dans l’autre, mon fils, la Mousse, et Hélène ; celle-ci aura quatre chevaux, avec un postillon : quelquefois le bréviaire assemblera le second ordre, et laissera place à un certain bréviaire de Corneille, que nous avons envie de dire, Sévigné et moi. Voilà de beaux détails, mais on ne les hait pas des personnes que l’on aime.

Je n’ai garde de dire à notre Océan la préférence que vous lui donnez ; il en serait trop glorieux ; il n’est pas besoin de lui donner plus d’orgueil qu’il n’en a. Bien du monde s’en va lundi comme moi. Brancas est parti ; je ne sais si cela est bien vrai, car il ne m’a point dit adieu ; il croit peut-être l’avoir fait. Il était l’autre jour debout devant la table de madame de Coulanges ; je lui dis : As

  1. Renée de Forbin, sœur de M. de Marseille, depuis cardinal de Janson.
  2. Roman de mademoiselle de Scudéri.
  3. M. de Vivonne, frère de madame de Montespan. ami de Boileau, très-spirituel et très-gai.