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et dans quel excès la Martin avait poussé cette mode ; mais il y a une certaine médiocrité qui m’a charmée, et qu’il faut vous apprendre, afin que vous ne vous amusiez plus à faire cent petites boucles sur vos oreilles, qui sont défrisées en un moment, qui siéent mal, et qui ne sont non plus à la mode présentement, que la coiffure de la reine Catherine de Médicis. Je vis hier la duchesse de Sully et la comtesse de Guiche : leurs têtes sont charmantes ; je suis rendue, cette coiffure est faite justement pour votre visage ; vous serez comme un ange, et cela est fait en un moment. Tout ce qui me fait de la peine, c’est que cette mode, qui laisse la tête découverte, me fait craindre pour les dents. Voici ce que Trochanire[1], qui vient de Saint-Germain, et moi, nous allons vous faire entendre, si nous pouvons. Imaginez-vous une tête partagée à la paysanne jusqu’à deux doigts du bourrelet ; on coupe les cheveux de chaque côté, d’étage en étage, dont on fait deux grosses boucles rondes et négligées, qui ne viennent pas plus bas qu’un doigt au-dessous de l’oreille ; cela fait quelque chose de fort jeune et de fort joli, . et comme deux gros bouquets de cheveux de chaque côté. Il ne faut pas couper les cheveux trop courts ; car comme il faut les friser naturellement, les boucles, qui en emportent beaucoup, ont attrapé plusieurs dames, dont l’exemple doit faire trembler les autres. On met les rubans comme à l’ordinaire, et une grosse boucle nouée entre le bourrelet et la coiffure ; quelquefois on la laisse traîner jusque sur la gorge. Je ne sais si nous vous avons bien représenté cette mode ; je ferai coiffer une poupée pour vous l’envoyer ; et puis, au bout de tout cela, je meurs de peur que vous ne vouliez point prendre toute cette peine. Ce qui est vrai, c’est que la coiffure que fait Montgobert n’est plus supportable. Du reste, consultez votre paresse et vos dents ; mais ne m’empêchez pas de souhaiter que je puisse vous voir coiffée ici comme les autres. Je vous vois, vous m’apparaissez, et cette coiffure est faite pour vous : mais qu’elle est ridicule à certaines dames, dont l'âge ou la beauté ne conviennent pas !

Madame de la Troche.

Madame de Sévigné a voulu avoir l’avantage de vous décrire cette coiffure ; mais, ma belle, cest moi qui lui dictais. Madame, vous serez ravissante ; tout ce que je crains, c’est que vous n’ayez regret à vos cheveux.

  1. Madame de la Troche.