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Dieu. Martillac a la langue bien longue : que veut-elle dire avec mon mal de bras que je cachois à Livry ? ce n’étoit rien du tout, et il vous eût inquiétée. Pour le détail de ma santé présentement, je suis honteuse de vous le dire, il me semble qu’il y a de l’insolence et que je devrois cacher ces bontés de la Providence, n’en étant pas digne. Je ne sais si c’est le bon air, la vie réglée, la désoccupation ; enfin, quoique je ne sois pas insensible[1] à ce qui me tient au cœur, je jouis d’une santé si parfaite, que je vous ai mandé que j’en suis étonnée. Je me porte très-bien de ma purge, et vous remercie d’être contente de la vôtre. Je n’ai ni vapeurs la nuit, ni ce petit mal à la bouche, ni de grimace à mes mains ; point de néphrétique ; nous buvons du vin blanc, que je crois très-bon et meilleur que la tisane. Enfin, ma chère bonne, soyez contente, et portez-vous aussi bien que moi, si vous voulez que ce bon état continue. Je n’en ai pas moins ces pensées si salutaires que toute personne doit avoir, surtout, ma bonne, quand la vie est avancée, et qu’on commence à ne plus rien voir, à ne plus rien lire qui ne vous parle et ne vous avertisse. Quand vous en serez là, vous ne m’en direz pas des nouvelles ; mais vous vous souviendrez que j’avois raison, et que ces réflexions sont des grâces de Dieu, tout au moins naturelles, qui vous font sentir que vous êtes sage. Ces pensées, cette pendule[2], n’ont point changé mon humeur;

  1. LETTRE 1283 (revue sur l’autographe). -- 1. Ce mot, et plus loin les mots grimace et néphrétique, et p. 526, en bonne justice, sont soulignés dans l’original. Mme de Sévigné avait eu les mains longtemps enflées et engourdies à la suite de son rhumatisme de 1676 ; elles pouvaient en avoir été un peu déformées ou ridées, en être restées sujettes à quelques mouvements convulsifs.
  2. 2. Cette pendule ou je lis une heure déjà avancée, l’heure du soir de la vie, du déclin ? D’autres ont cru que ce mot pendule signifiait ici jubilé, par allusion à une anecdote racontée tome III, p. 524»